Les propositions de Chevreuse Courtage pour accélérer le déploiement de la filière REP du Bâtiment

Qu’est-ce que la REP bâtiment ?

Le principe de responsabilité élargie du producteur (REP) est basé sur celui du pollueur-payeur et impose ainsi à toutes les personnes, entités ou sociétés responsables de la mise sur le marché de produits de s’assurer de la prise en charge de ces produits à leur fin de vie (collecte et traitement).

Plus précisément, l’article L541-10 du Code de l’Environnement précise que “En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, […], de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent (…). Les producteurs s’acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière.”

 

 

La France est le pays ayant le plus développé cette logique de responsabilisation des producteurs

Aujourd’hui, plus de 30 filières REP existent en France et de nouvelles vont voir le jour d’ici les 5 prochaines années.

Parmi elles, la filière REP pour les Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment (PMCB) prévue par la loi AGEC (pour favoriser l’économie circulaire et lutter contre le gaspillage) avec une mise en place depuis le 1erjanvier 2022.

 

Démarrage opérationnel de la REP bâtiment : des enjeux importants

Concernant la REP Bâtiment, concrètement, sont concernés « Les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment destinés aux ménages ou aux professionnels, à compter du 1er  janvier 2022, afin que les déchets de construction ou de démolition qui en sont issus soient repris sans frais lorsqu’ils font l’objet d’une collecte séparée et afin qu’une traçabilité de ces déchets soit assurée. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application […] ainsi que les conditions minimales du maillage des points de reprise » selon l’article L.541-10-1 du Code de l’environnement (Loi AGEC).

Les deux principaux enjeux ayant motivé la mise en œuvre de cette nouvelle filière REP bâtiment dans la loi AGEC sont :

  • La réduction des dépôts sauvages en améliorant la collecte par une reprise sans frais des déchets, la densification du maillage des points de collecte, et l’amélioration de la traçabilité
  • La prévention de la saturation des décharges en développant le recyclage matière ainsi que le réemploi

Chaque année, ce sont près de 46 millions de tonnes de déchets qui sont produits par le bâtiment. Même si le taux de valorisation de ces déchets est estimé à près de 70%, avec une certaine hétérogénéité selon la situation des différents flux, il reste encore beaucoup à faire et les enjeux environnementaux et économiques pour le secteur sont grands.

Une filière naissante dont le déploiement pourrait être retardé par des lourdeurs administratives

Si la mise en œuvre de la REP bâtiment est motivée par des intentions louables, sa mise en œuvre pourrait être retardée par l’empilement du cadre législatif qui oblige les entreprises à de profondes adaptations.

Derniers exemples en date :

L’obligation de faire figurer dans tous devis de travaux des mentions liées à la gestion et aux modalités d’enlèvement des déchets générés par les travaux projetés. Avec une estimation de la quantité totale de déchets générés par l’entreprise de travaux pendant le chantier ; les modalités de gestion et d’enlèvement de ces déchets et notamment l’effort de tri réalisé sur le chantier et la nature des déchets pour lesquels une collecte séparée est prévue ; le ou les points de collecte prévus pour déposer les déchets issus du chantier, une estimation des coûts associés.

L’obligation de réaliser un « diagnostic produits, matériaux, déchets » avant tous travaux de démolition (portant sur une surface cumulée de plancher > 1 000 m²) ou de réhabilitation significative (dont le coût total prévisionnel des travaux est supérieur à 25 % de la valeur vénale des bâtiments).

Outre des indications relatives au diagnostiqueur et aux modalités d’établissement du document, le diagnostic « fournit une estimation de la nature, de la quantité et de la localisation dans l’emprise de l’opération […] des matériaux, produits de construction et équipements constitutifs des bâtiments ainsi que de leur fonction [et] des déchets potentiellement générés par ces produits, matériaux et équipements [ainsi que] des déchets résiduels issus de l’usage et de l’occupation des bâtiments ». Mais ce n’est pas un simple recensement auquel il faut procéder. Le diagnostic livre également « une estimation de l’état de conservation des produits, matériaux et équipements ; des indications sur les possibilités de réemploi sur le site de l’opération, sur un autre site ou par l’intermédiaire de filières de réemploi, notamment les filières locales [ainsi que] l’estimation de la nature et de la quantité des [éléments] qui peuvent être réemployés ». Si le réemploi n’est pas possible, le document devra fournir des pistes pour la gestion et valorisation des déchets. A l’issue de l’opération, le maître d’ouvrage devra établir un formulaire de récolement relatif aux éléments réemployés ou destinés à l’être et aux déchets issus des travaux.

Sarah Corbeau, chargée de compte construction au cabinet Chevreuse Courtage

Une lourdeur administrative qui risque de décourager plus d’un professionnel. Quelques mois après son entrée en vigueur, force est de constater que peu d’entreprise mettent en application ces obligations.

« Chez Chevreuse Courtage nous n’avons vu aucune mention déchet dans les devis client en six mois » s’étonne Sarah Corbeau, chargée de compte construction au sein du cabinet Chevreuse Courtage « Est-ce parce que les entreprises ne souhaitent pas faire supporter ce coût à leur client ? ».

Et si on s’inspirait du retour d’expérience de la filière REP bateaux de plaisance ?

Une filière opérationnelle depuis 2019

Depuis 2019, les fabricants, distributeurs, importateurs de bateaux de plaisance en France sont soumis à la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP). Considérés comme « metteurs en marché », ils sont responsables de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits, de leur conception jusqu’à leur fin de vie.

L’APER (Association Pour la Plaisance Eco-Responsable) est un éco-organisme à but non lucratif, créé par la Fédération des industries nautiques (FIN) pour organiser et gérer la filière française de déconstruction et de recyclage des bateaux de plaisance en fin de vie. Cette filière est une première mondiale dans le domaine des bateaux de plaisance.

L’APER a été agréée par arrêté ministériel en mars 2019. Trois mois après, l’association gérait et finançait sa première déconstruction.

Prêt de 5000 déconstructions réalisées entre août 2019 et avril 2022

Guillaume Arnaud des Lions, délégué général de l’APER indique « Notre organisation, notre méthode et nos process sont désormais bien rodés et bien en place comme en témoignent les 4 864 bateaux déjà déconstruits sur le territoire national en moins de 3 années d’exercice. Ce succès est la preuve de l’engagement de nos partenaires en amont comme en aval : adhérents-metteurs en marché, qui financent nos activités de déconstruction, professionnels du nautisme, centres de déconstruction agréés, administrations, collectivités locales et ports de plaisance.»

Pour assurer sa mission d’animation et de gestion de la filière de déconstruction des bateaux de plaisance en fin de vie, l’APER s’appuie aujourd’hui sur un réseau de 26 centres de déconstruction agréés en France métropolitaine et en Martinique. 20 centres supplémentaires sont en attente d’autorisation préfectorale (ICPE 2712-3) pour entrer en activité. L’APER vise de coordonner une cinquantaine de centres d’ici à 2 ans. Aujourd’hui, 98 entreprises sont adhérentes à l’APER. Ce sont les metteurs en marché qui représentent le principal financement de l’APER. Ils représentent plus de 85% des volumes de ventes en France.

La déconstruction passe par plusieurs étapes :

  • Réception des bateaux livrés par des transporteurs spécialisés ou par apports directs des propriétaires,
  • Dépollution du bateau (fluides divers dont carburant, batteries…),
  • Enlèvement des parties importantes (mat, balcon avant, éléments de confort intérieur) et démantèlement complet du bateau,
  • Broyage et tri sélectif des matériaux puis envoi en filières dédiées (bois, métaux, plastiques, composites).

Pour chaque déconstruction de bateau, le centre est rémunéré directement par l’APER. L’éco-organisme s’occupe également des démarches de désimmatriculation et de radiation de pavillon auprès des administrations maritimes et douanières.

 

Comment est financée la filière REP bateaux de plaisance ?

 

L’APER est financée grâce à :

  • une éco-contribution obligatoire, collectée auprès de ses adhérents (les metteurs en marché) sur chaque vente de bateaux neufs en France. Issue du principe de responsabilité élargie du producteur, l’éco-contribution permet de rendre le producteur initial solidairement responsable de la gestion de la fin de vie de son produit. Ce producteur « responsabilisé », car amené à financer la gestion de ses déchets en aval, prend conscience des coûts induits par son activité en termes de déchets finaux.
  • Une quote-part du DAFN (Droit Annuel de Francisation et de Navigation) reversée par l’État à l’éco-organisme. Guillaume Arnaud des Lions précise « La durée de vie d’un bateau étant relativement longue – comprise entre 30 et 40 ans en moyenne – le législateur a pris en compte cette spécificité et prévu qu’une petite quote-part du DAFN soit reversée à l’éco-organisme. Cette contribution vise à compenser les frais de déconstruction des bateaux construits par des entreprises qui n’existent plus aujourd’hui. Elle a vocation à progresser pour accompagner la montée en puissance de l’activité. »

Grâce à ces deux financements, la déconstruction est gratuite pour les clients.

 

Chevreuse Courtage plaide en faveur d’une taxe sur toutes les transactions sur le bâti pour accélérer le déploiement de la filière REP PMCB 

Lara Le Peru
Lara Le Peru, associée Chevreuse Courtage © Laurence de Terline

Pour Lara Le Péru, associée chez Chevreuse Courtage, la question d’une taxe appliquée à l’immobilier se pose également compte tenu de la durée de vie moyenne des bâtiments.

Lara Le Péru formule une proposition :

« Cette écocontribution pourrait s’appliquer à toutes les transactions lors de la conclusion de l’acte authentique auprès du notaire pour l’acquisition d’un ouvrage neuf, ancien ou d’un terrain à bâtir. Reversée à la filière REP pour les Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment (PMCB), elle viendrait compléter celle versée par les metteurs sur marché, et permettait de diluer les coûts inhérents à la collecte, aux tris et à la revalorisation des déchets du bâtiment, accélérerait le développement de la filière et contribuerait à une prise de conscience globale de la société civile aux enjeux environnementaux. »