Vu, lu, entendu à Insurtech Insights Hong Kong : quid de l’avenir des intermédiaires de l’assurance ?

Fin novembre 2019, Evrard de Villeneuve et Lara le Péru, les associés du cabinet Chevreuse Courtage, ont participé au salon Insurtech Insights à Hong Kong. Ce salon international de référence réunit la plus grande communauté du monde de l’Insurtech[1], autour de cercles de conférences ayant vocation à dessiner l’avenir de l’écosystème assurantiel. Au programme, des échanges nourris et prospectifs, dont nous avons décidé de vous faire partager les points essentiels. Morceaux choisis.


La Chine, berceau des souscripteurs augmentés

Pékin veut faire de la Chine le leader mondial de l’IA à l’horizon 2030. « Celui qui maîtrisera l’intelligence artificielle sera le maître du monde », avait affirmé le président russe Vladimir Poutine en 2017. Le président chinois Xi Jinping ne peut que souscrire à ce propos tant il a placé l’intelligence artificielle au coeur de l’ambition de puissance mondiale de la Chine. Pour cela, les autorités déversent des milliards de dollars et autorisent un accès facilité à de nombreuses bases de données. Et ce alors que le régime exerce lui-même une étroite surveillance des contenus échangés en ligne et alimente de gargantuesques bases de données à visée sécuritaire sur ses citoyens.

Ainsi, les progrès de l’intelligence artificielle associés à l’usage du Big Data via l’utilisation de données économico-socio-géographiques (âge, sexe, origine, ethnie, date d’union, date de naissance d’un enfant, déménagement, etc.) permettent de déterminer des comportements prédictifs, et ainsi d’élaborer des offres de services sur-mesure. C’est notamment le cas dans le secteur des banque-assureurs, qui proposent des offres de crédits et d’assurance segmentées et ultra-qualifiées, faisant des conseillers des souscripteurs « augmentés » n’ayant plus qu’à proposer ces contrats auprès des publics visés.

Les retours d’expérience partagés durant le salon Insurtech tendent à montrer que ces pratiques sont très appréciées, tant des particuliers, satisfaits d’être devancés dans leurs besoins que des banques-assureurs qui voient le nombre de leurs contrats progresser.

Bien que techniquement réalisables, ces pratiques de souscription sont strictement prohibées en France et en Europe, au regard des corpus légaux en vigueur[2]  tout comme l’est le fichage ethnique depuis la loi du 6 janvier 1978, dite “informatique et libertés”. Le recueil des données est quant à lui autorisé, sous des conditions très strictes (RGPD, etc.).


Experts augmentés et bénéficiaires à l’indemnisation, nouveaux acteurs de la résolution de sinistre ?

Le salon a également été l’occasion de mettre en lumière une autre conception de la prise en charge des sinistres en Asie où ce qui prime pour les assurés est d’être indemnisés rapidement. Ces derniers se prêtent volontiers au jeu et acceptent de bonne grâce de participer à la résolution dudit sinistre.

Ainsi, les compagnies d’assurance ont mis en place des process permettant d’optimiser le cycle de déclaration, de prise en charge et d’indemnisation. Cela se traduit notamment par la mise en place d’experts « augmentés » qui, via des sessions en visioconférence (smartphones et/ou tablettes), guident directement le client dans la résolution de son sinistre (ex : diagnostic guidé à distance et en temps réel d’une fuite). Les clients devenant ainsi véritablement ACTEUR dans le processus d’assurance.

Ce procédé semble faire ses preuves en Chine, notamment en matière d’assurance de personne. On peut toutefois s’interroger sur l’efficacité du système pour des sinistres de grande ampleur ou à forte technicité.

Pour l’heure, en France, les pratiques sont différentes comme le rappelle Lara le Péru « Si les assureurs français se doivent d’indemniser rapidement, ils doivent avant tout indemniser justement ». C’est la raison pour laquelle des délais légaux (variables selon le type de sinistre) sont instaurés pour laisser le temps à l’assureur de prendre la mesure complète du sinistre et déterminer l’ordre des responsabilités avant de proposer une offre d’indemnisation. L’assuré dispose, quant à lui, en contrepartie d’un droit de contestation de l’offre, lequel influe sur le délai de l’indemnisation. Ce modus operandi semble plus « lent », mais apporte davantage de sécurité à l’ensemble des parties.

Quant à la question de transposer en France le statut de client acteur dans la résolution de son sinistre, en l’état actuel du droit la réponse est sans appel. C’est non, dans la mesure où le client est considéré comme non sachant.

En France, quid de l’avenir des courtiers d’assurance face à ces nouvelles pratiques ?

Ces pratiques posent la question du devenir des intermédiaires. Ont-ils vocation à perdurer, en présence de souscripteurs qualifiés ? Quel sera leur rôle ? Comment se distinguer ? Toutes ces questions sont au cœur des préoccupations des professionnels du secteur, conscients qu’une profonde mutation est à l’œuvre et que le digital offre de nouvelles manières d’exercer.

Pour Lara le Péru, « Demain, le savoir-faire métier d’un courtier se reposera plus sur sa capacité à obtenir la meilleure proposition d’assurance, ni sur la rédaction de clauses. Mais sur sa capacité à proposer des services annexes, à valeur-ajoutée. Chez Chevreuse Courtage, nous parlons de conseils augmentés. Étant des spécialistes de l’assurance professionnelle, expert dans deux domaines : l’assurance construction et l’assurance collective, nous avons une connaissance fine et pointue de nos domaines d’intervention. Ainsi, nous sommes en mesure d’appréhender un projet de manière globale, tenant compte des spécificités du projet, des contraintes et besoins du client, des compagnies, de l’environnement juridique, et du marché spécifique. En matière d’assurance construction, cette connaissance est précieuse. Elle nous permet notamment d’accompagner nos clients dans la transformation des villes, et de relever les défis de la smart city. »


[1] L’Insurtech (ou assurtech) est un écosystème d’entreprises œuvrant dans le secteur de la technologie (IA, DATA, Big DATA, machine learning, objets connectés, etc.) pour le secteur de l’assurance.

[2] Cf. l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et du Citoyen.